Le lavoir de Balangeard est resté dans le souvenir des habitants de Saint- Martin- Lars comme un lieu où on allait laver le linge, il y a bien longtemps… Si longtemps que l’on en vient à douter son existence.
Pourtant, après enquête rapide, il s’avère que ce lieu existe toujours, même s’il n’a pas l’aspect habituel d’un lavoir et qu’il se situe dans un endroit peu accessible pour les habitants du bourg. Sur le cadastre napoléonien de 1828, il est identifié comme étang. Mais lorsqu’on se rend sur place, on se rend bien compte qu’il ne s’agit pas d’un étang ordinaire. Il est de forme géométrique avec des côtés bien rectilignes maçonnés ou constitués de bardages en bois. Si on replace ce bassin dans un passé lointain, on peut formuler l’hypothèse qu’il a été construit en tant que vivier du logis seigneurial qui se trouve à proximité. (Le vivier servait alors de réserve de poissons). Cet « étang » se trouve à mi pente d’un terrain très incliné où l’eau coule abondamment en toutes saisons. C’est d’ailleurs celle ci qui alimente le vaste plan d’eau de Saint- Martin- Lars situé en contrebas.
Si on pousse un peu plus loin les investigations sur les registres du cadastre napoléonien de 1828, on s’aperçoit que des nombreuse parcelles voisines de l’étang sont nommées « Balangeur »(pâtis Balangeur, champ Balangeur). Est ce que Balangeur s’est transformé en Balangeard au cours du temps ou bien le chargé du cadastre a-t-il mal entendu ce qu’on lui disait ?
On ne le sait pas et, à ce jour, aucun autre texte ne contient le mot Balangeur. On va donc considérer que Balangeard est le mot exact, d’autant plus que le patronyme Balangeard existe en France, même s’il n’est pas très courant.
Cadastre napoléonien 1828. Détail. Archives départementales numérisées
Alors…vivier, étang ou lavoir ? Ou les trois ?
Un indice nous amène vers deux de ces hypothèses : à proximité immédiate de ce plan d’eau, existe une fontaine dont la fonction est d’alimenter ce dernier en eau claire. Restent donc le vivier et le lavoir.
Pour ce qui est du vivier, on ne pourra en être sûr que, lorsqu’on aura trouvé un texte le concernant.
Pour ce qui est du lavoir, nous avons un document qui règle définitivement le problème puisqu’il s’agit tout simplement du Registre du compte du lavoir de Balangeard en date du 5 mars 1889 jusqu’à l’année 1938.
Ce petit registre (sauvé in extremis de la déchetterie, il y a peu de temps) nous renseigne presque complètement sur le fonctionnement du lavoir durant cette période.
Le lavoir est une copropriété qui s’appelle Société de Balangeard. Une commission de 6 membres, rééligible tous les 3 ans, est chargée de la gestion du lieu. Le maire de la commune en est membre de droit.
Par exemple, la commission élue en 1893 est composée de : M Martin Président, M de Lauzon vice président, Victor Grimaud secrétaire et trésorier, Auguste Airaud, Paul Racaud et Pierre Fagot.
« Cette commission devra s’occuper de tout ce qui concerne la bonne tenue du lavoir » ; renouvellement des madriers et des perches pour étendre le linge…etc.
« Toute dépense en dehors de l’entretien ordinaire devra être autorisée en assemblée générale à la majorité des voix ».Le règlement ne laisse pas de place à une gestion trop personnelle et incontrôlée !
Dès 1889, des travaux de nettoyage sont entrepris puisque des arbres ont été vendus à Martin, Grimaud et Racaud pour la somme de 39 francs ainsi qu’à Louis Tharaud pour une somme de 46 francs. L’élagage a couté 1 franc. Cette même année, on a acheté des limandes(piéces de bois) chez Bitot frères, fait réparer le puison par un charron, fait réparer le trop plein, payé M de Lauzon pour fourniture de châtaignier et acheté un petit mémoire. On a également payé Ribouleau pour un boulon au puison muni de son cadenas. Ce terme de « puison » est assez énigmatique car on ne le trouve dans aucun texte ni aucun dictionnaire. Il s’agit vraisemblablement de la vanne qui permet de vidanger le lavoir et de le nettoyer. Ce qui expliquerait la présence d’un cadenas pour contrôler l’opération.
En 1898, le produit de la pêche a rapporté 14 francs. Au cours des années qui suivent, il a fallu payer 20 francs à Capitaine pour réparation de la fontaine, on a vendu à Louis Gautron 61 fagots de fournille (fagots d’épines) à 10 centimes l’unité et on a payé à Jules Calendreau la somme de 7, 35 francs pour avoir fourni et étendu un mètre de pierres cassées.
Au cours de l’année 1906, il a fallu de nouveau faire appel au forgeron Villatte pour réparation du puison et on a nettoyé l’étang en 1907, en 1909, 1910, 1911,1912. A ce sujet, l’endroit est appelé soit lavoir, soit étang (ce qui nous ramène à la question du début de l’article, sans y répondre).
Puis au fil des années, le trésorier ne note plus grand-chose excepté les impôts et ce qui reste en caisse. Il faut cependant signaler de gros frais en 1914 puisqu’on paie à Calendreau, 200 francs pour la construction d’un mur du lavoir et en 1937 à Pillaud maçon la somme de 114 francs (alors qu’il n’y a que 134 francs en caisse). Le registre s’arrête en 1938.
Ce petit registre ne nous dit peut être pas tout, mais il nous dit l’essentiel : ce lieu a été l’objet d’activité humaine et de soins attentifs. A ce titre, il mérite au moins qu’on y prête un peu attention.
Mais ce n’est pas sa seule qualité. Comme dans beaucoup d'endroits où règnent le silence, les arbres et un petit plan d’eau, le visiteur éprouve très vite un sentiment de sérénité mêlé de curiosité. Il devient persuadé que, sitôt après son départ, des fées et des elfes vont revenir prendre possession des lieux….
En tout cas, on peut le rêver, car actuellement, ce site est en train de mourir : mur crevé qui ne laisse que la vase surabondante dans le lavoir, arbres qui font s’écrouler les bords, fontaine qui est en train de s’affaisser sur elle-même, eau qui ruine le chemin d’accès…
Le lavoir de Balangeard ne mérite pas cette agonie programmée.
Ci dessus état du lavoir en 2012 Ci dessous état du lavoir en 2015(photos de l'auteur)
Ci dessous, comment y aller. (photo Geoportail).
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